Résumé:
Dans une perspective purement descriptive, cette thèse s’inscrit dans le champ de l’analyse du discours. J’ai choisi un objet d’étude particulier : l’interview politique télédiffusée et ce dans le contexte de la précampagne électorale des présidentielles algériennes de 2014. Quatre numéros de l’émission, « Controverse », sur la chaine privée Dzair TV m’ont paru assez représentatifs pour répondre à ma problématique de recherche. Comment le politicien prétendant au pouvoir, ou son représentant, parle en contexte électoral ? Comment le journaliste le fait parler ? Quelles sont les caractéristiques de cette interaction qui mobilise stratégies discursives et argumentatives visant la persuasion et la spectacularisation?
Le choix du corpus découle essentiellement d’un souci de rendre compte d’une réalité nouvelle dans les pratiques discursives médiatiques et politiques en Algérie. Dans un premier temps, J’ai fait appel aux outils méthodologiques de l’analyse conversationnelle afin de comprendre la structure et les mécanismes discursifs de l’interview politique télédiffusée. Puis j’utilise les outils de l’analyse argumentative pour cerner les stratégies argumentatives déployées par les prétendants au pouvoir pour conquérir l’électorat dans les contraintes de la situation de communication. J’analyse ainsi la mise en scène verbale, la gestion des échanges puis les stratégies discursives et argumentatives employées dans l’entreprise persuasive.
L’analyse montre que l’interview politique télédiffusée se décline comme une situation de communication complexe qui articule trois situations d’interactions emboitées l’une dans l’autre avec des paramètres spécifiques à chaque niveau : médiatique, politique et discursive. La construction communicationnelle fait que les protagonistes, l’intervieweur et l’interviewé, font d’abord face l’un à l’autre puis au téléspectateur. A un niveau micro le contenu est co- construit par les participants sous la direction de la chaine. Mais au niveau macro le citoyen téléspectateur rejoint ces derniers par sa lecture et son interprétation.
L’interview politique télédiffusée s’inscrit dans une logique de révélation et de réédition de comptes afin de fournir à l’opinion publique un ensemble de jugements et d’analyses qui justifient l’engagement des prétendants au pouvoir. L’éthique professionnelle contraint le journaliste intervieweur de tirer de l’invité le maximum d’informations, de faire apparaitre ses intentions cachées voire de mettre à jour les propos contradictoires. Les interviewés s’engagent par conséquent dans un discours de justification et de promesse. Cependant il arrive souvent que l’interviewé ne fournit pas les informations attendues. L’intervieweur doit alors, en gardant une posture professionnelle marquée par l’impartialité et la neutralité, faire pression sur la personnalité politique interviewée, voir à l’attaquer pour obtenir l’information qui risque de mettre à mal l’image de ce dernier, de lui faire perdre sa crédibilité. Dans le contexte algérien les interviews politiques télédiffusées où les acteurs politiques sont considérés comme cible des stratégies musclées de questionnement, dans une optique de réédition de comptes constituent un phénomène très récent et peu toléré.
L’analyse argumentative a révélé que tous les prétendants au pouvoir à part le président sortant font l’apologie du changement en s’appuyant sur des diagnostics alarmants dénonçant une crise économique et sociale. Les arguments de causalité et de conséquences sont prépondérants dans le discours. Les arguments de causalité sont du type d’arguments de responsabilité à l’encontre du régime en place pour lui imputer la mauvaise gestion ou d’incompétence. Même s’ils paraissent rationnels ils sont truffés d’appels aux émotions notamment la colère et l’indignation et la fierté considérés comme levier de mobilisation.
Le représentant du président sortant invoque l’argument de la stabilité comme la plupart des argumentations des présidents sortants. Son argumentation est principalement conçue sur la dramatisation des peurs préexistantes : le retour de l’insécurité et la menace du terrorisme. Des arguments rationnels comme l’argument d’effet pervers et l’argument d’inanité contre les appels au changement des adversaires et des opposants. Il associe leurs discours à des discours similaires sortis dans d’autres pays et qui n’ont rien changé ou pire ont amené au chaos en faisant allusion à la Syrie, la Lybie, l’Egypte et la Tunisie.
LouizaHanoune s’est démarquée par un éthos relativement distinct des autres prétendants. Il se traduit par un discours traitant des thématiques plus concrètes, plus précises pouvant engager une réflexion sur l’éthos féminin dans le contexte algérien.