Résumé:
L’objet de la thèse qui suit porte sur La Réhabilitation d’un «quartier non réglementaire», il convient de préciser pour commencer quelle signification nous donnons à ce terme.
Nous l’avons adopté, à la suite de Pierre Signoles (1999), pour sa valeur générale qui lui permet de recouvrir deux principales formes urbaines qui le composent, à savoir d’une part,
les bidonvilles et, d’une façon générale, tous les quartiers de squatters, et, d’autre part, les quartiers dits <spontanés>, <clandestins>, <irréguliers>, etc., dans lesquels les nouveaux
venus ont acheté - et sont donc propriétaires - des terrains où ils sont installés, quoique ces ventes soient <<illégales>> au vu de la finalité de leur usage. En effet, selon Pierre Signoles, l’urbanisation non réglementaire se caractérise <<par le fait qu’elle ne respecte pas les règles édictées par la législation et la réglementation en vigueur, soit qu’elle s’effectue sur des terres dont l’usage est interdit à la construction, soit que, se produisant dans des zones où l’urbanisation est autorisée, elle ne respecte pas les règlements de lotissement
et/ou les règlements de construction>>.
Il importe dans un second temps, que nous revenions un peu plus précisément sur les distinctions à opérer entre bidonvilles et quartiers <<spontanés>> ou <<clandestins>>.
Les bidonvilles, d’abord. Ils résultent d’un processus historique et de conditions économiques, sociales ou politiques qui obligent les populations à émigrer des campagnes vers les
villes. Selon André Adam (1972), le terme de <<bidonville>> serait né à Casablanca dans les années 1930 avec les premières manifestations de l’exode rural, pour désigner litté-
ralement des <<maisons en bidons>>, c’est à dire un ensemble d’habitations construites avec des matériaux de récupération sur un terrain occupé illégalement. Composé de deux
termes qui s’opposent (bidons - et - ville), le bidonville est défini par le dictionnaire le Petit Robert comme étant une <<agglomération d’abris de fortune, de baraques sans hygiène
où vit une population misérable (souvent à la périphérie des grandes villes) >>. Selon la définition qu’en donnent P. Merlin et F. Choay dans le dictionnaire de l’Urbanisme et de
l’Aménagement, c’est <<un ensemble d’habitations précaires et sans hygiène, généralement faites de matériaux de récupération, dans lesquelles vivent des populations exclues ou mal intégrées dans la société nationale (...). Le mot français de bidonville a été utilisé avant la deuxième guerre mondiale pour évoquer les habitations en planches, en tole et en bidons de pétrole, improvisées par les paysans venus chercher du travail dans à Casablanca. Le bidonville résulte d’une occupation de fait illégale du sol dans les secteurs de périmètres urbains ou suburbains considérés comme inutilisables ou dangereux>>. Le premier terme à avoir été employé par A.Adam en 1972 pour désigner ce type d’habitat spontané et hétéroclite a été celui de <<gadoueville>>. Dans les pays anglophones, on utilise l’expression de <<shanty towns>>, de <<slum city>> ou de <<illegal settlements>>; dans la terminologie brésilienne, celle de <<favelas>> ; en Tunisie, c’est le terme de <<gourbiville>> qui est utilisé ; de <<gecekondu>> à Ankara ; de <<bastee>> à Calcutta ; de <<ranchitos>> à Caracas ; de <<mussequés>> à Luanda, de <<kébé>> à Nouakchott ou encore de << barrios piratas>> à Bogota.
La ségrégation ethnique (séparation des quartiers coloniaux et <<indigènes>>) et sociale pratiquée à l’époque du colonialisme puis perpétuée après l’indépendance, encourage le
développement des formes d’habitat précaires pour les plus pauvres et le phénomène explose littéralement dans les grandes agglomérations Algériennes dans les années d’aprèsguerre (1962). Comme l’indique Noel Cannat, <<c’est d’abord la misère rurale qui remplit les bidonvilles. Puis l’accroissement naturel prend le relais>>.
Durant le dernier demi-siècle, l’exode rural s’est intensifié, Le taux d’urbanisation était supérieur à 25% en 1954 et dépassait les 58% en 1998. Cette évolution a été trop rapide pour être parfaitement maîtrisée. Ainsi, l’Etat s’est révélé incapable, d’une part de faire face à ces flux massifs en direction des grandes villes et, d’autre part, de trouver des solutions pour enrayer le mode d’urbanisation, malgré les diverses tentatives déployées. les bidonvilles inquiètent les autorités politiques et sont clairement perçus comme une menace pour l’ordre établi tant au plan économique (économie informelle) que politique (émeutes, dissidences, islamisme), social (misère, pauvreté, drogue, prostitution), administratif (squat des terrains) ou sanitaire. comme l’indique jean-Pierre frey, << le bidonville est crédité de toutes les tares et il convient d’en faire disparaitre toute trace pratique et symbolique>>.